à force de se taire

Nommer le sexe serait, de ce moment, devenu plus difficile et plus coûteux. Comme si, pour le maîtriser dans le réel, il avait fallu d’abord le réduire au niveau du lan­gage, contrôler sa libre circulation dans le dis­cours, le chasser des choses dites et éteindre les mots qui le rendent trop sensiblement présent. Et ces interdits mêmes auraient peur, dirait-on, de le nommer. Sans même avoir à le dire, la pudeur moderne obtiendrait qu’on n’en parle pas, par le seul jeu de prohibitions qui renvoient les unes aux autres : des mutismes qui, à force de se taire, imposent le silence. Censure.

M. Foucault, Histoire de la sexualité, 1: La volonté de savoir, 1976